REGARDS CROISÉS ENTRE LA PSYCHOLOGIE & LA DIÉTÉTIQUE

08 Avr 2024

Le cancer est une maladie complexe qui affecte non seulement le corps physique, mais aussi le bien-être mental, émotionnel et social de la personne. En plus des traitements curatifs comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, les soins de support jouent un rôle crucial dans l’amélioration de la qualité de vie des patients tout au long de leur parcours de soins. Au cours d’une entrevue entre Anne Tournier, diététicienne nutritionniste et Céline Bensoussan, psychologue au sein de la Ligue contre le Cancer de Haute-Garonne, nous avons abordé l’accompagnement diététique et psychologique qu’elles mènent au sein de notre comité.

 

Quel est l’impact du cancer sur l’alimentation des patients ?

 

Anne : Il faut savoir que le cancer est une pathologie agressive pour l’organisme. Elle demande à l’organisme de dépenser plus d’énergie ce qui risque de puiser dans ses réserves pour subvenir à tous ses besoins. Il est donc essentiel d’apporter suffisamment d’énergie à travers l’alimentation pour aider l’organisme à mieux se guérir.

 

Comment adapter l’accompagnement en fonction du type de cancer et de l’évolution de la maladie ?

 

Anne : Il faut répondre aux besoins de l’organisme donc il faut que l’alimentation soit suffisante et soit équilibrée. Ensuite avec les patients, on essaye d’adapter en fonction de leurs capacités, de leurs envies, de leurs goûts. Ce n’est pas vraiment une adaptation aux stades de la maladie, l’accompagnement est vraiment personnalisé à chaque patient en fonction de son ressenti.

 

Du côté psychologique, quelles sont les difficultés qui sont le plus rencontrées par les patients atteints d’un cancer ?

 

Céline : Le cancer c’est un bouleversement physique certes mais aussi psychique. C’est un moment de pause imposé, de prise de recul. Le patient est amené à une relecture de sa vie. C’est un moment où il est face à sa fragilité. Sa vulnérabilité est au cœur de son rapport à l’autre, de sa famille, de ses proches. C’est un moment où le patient est en contradiction avec son corps, c’est-à-dire qu’en fait, qu’est-ce qui se passe ? Ce cancer c’est quelque chose qui n’a pas forcément été vu ou su, donc il a l’impression que quelque chose s’est développé à son insu dans son corps. Il va y avoir tout ce travail de refaire confiance à ce corps là, de retrouver une forme de fiabilité. C’est à la fois un bouleversement physique et psychique. Ensuite l’accompagnement sera réalisé en fonction de ce que va traverser le patient au fur et à mesure des annonces, parce qu’il n’y a pas qu’une annonce il y a plusieurs annonces. Certaines choses vont rentrer en résonance avec sa vie. C’est donc tout ce bouleversement là qui va être accompagné lors des consultations.

 

Comment est réalisé l’accompagnement des patients dans leur gestion des émotions et de leur stress ?

 

Céline : J’ai l’impression que pour Anne c’est quand même des outils assez concrets qui permettent aux patients de trouver des appuis, des ressources pour atténuer ce qu’on pourra appeler le stress, même si c’est un mot valise et que ça veut dire beaucoup de choses. Pour ma part, finalement le patient va venir déposer les choses, venir les mettre en mots, faire des liens, prendre du recul, nous allons mobiliser ensemble ces ressources. Tout ça va permettre quand même au patient d’apaiser ses angoisses. Il y a une continuité du bouleversement parce que ça remue tellement. Ce n’est pas rien ce patient qui s’engage dans ce travail psychique. Mais je dirais qu’au fur et à mesure effectivement les choses s’apaisent. Mais en psychologie, on n’a pas d’outils concrets comme va le permettre l’accompagnement diététique qui là par contre va vraiment circonscrire l’angoisse.

Anne : Oui oui c’est beaucoup plus concret. Dans l’alimentation on va effectivement se servir d’outils concrets qui amènent à des progressions et un travail qui est dans la concrétisation.

Céline : J’aimerai aussi ajouter quelque chose qu’amène souvent Anne. C’est que finalement très souvent ses consultations sont aussi le lieu d’éléments psychiques liés à l’alimentation. 

Anne : Oui ça c’est sûr ! Ça passe effectivement par une décharge émotionnelle à un moment très souvent où les personnes m’expriment ce qu’elles ressentent.

 

Est-ce que pour accompagner les patients vous proposez des ateliers ou des groupes de parole  ?

 

Céline : Alors moi j’anime des ateliers d’art thérapie mais aussi de partage de lectures. C’est une volonté de proposer d’autres espaces pour une autre parole. Il y a des gens qui ne sont pas forcément à l’aise avec de la consultation, l’idée de parler, de venir déposer comme ça, dérouler des choses et donc c’est proposer une autre façon d’en dire quelque chose ces ateliers là. Après on a pu joindre un peu nos fonctions avec Anne dans la Matinée des Aidants qu’on propose, où là on accompagne un groupe. Moi autant dans l’accueil café, partage de de pratique et Anne avec ses ateliers cuisine. On peut être amené à échanger sur ce qui fait lien dans nos deux accompagnements.

Anne : Oui c’est ça ! On peut avoir à échanger autour de problématiques qui se posent pour certains patients et pour essayer chacune de trouver la meilleure des façons de les accompagner avec l’objectif  d’un accompagnement le plus personnalisé, le plus approprié pour chacun. Même si ce n’est pas toujours la même chose pour tout le monde. 

 

Que diriez vous aux patients et aux patientes qui hésitent à venir consulter une psychologue ou une diététicienne dans leur prise en charge ?

 

Anne : Je dirais que c’est important la prise en charge, l’aide en tout cas ou du point de vue de la diététique car elle est importante aux différents stades de la maladies. L’accompagnement permet d’aider à savoir comment adapter ses préparations culinaires à chaque moment traversé que ce soit pendant les traitements ou à posteriori. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que le surpoids, l’obésité sont des facteurs de risque de développer des cancers ou encore de récidives Il est donc important de prendre soin de la qualité de son alimentation et répondre comme il faut aux besoins de son corps pour avoir tout ce dont il a besoin pour se guérir et se réparer par la suite et rester dans des limites raisonnables pour la suite.

Céline : Et en ayant participé aux ateliers de Anne, ce qui est quand même aussi très agréable je trouve c’est que, en plus voilà de tout cet apport là professionnel et de cet accompagnement, il y a quand même de la place au plaisir. Cette notion de plaisir, de sensorialité, c’est quand un élément qui est très altéré pour le patient au niveau des odeurs, des goûts. De mon côté, je dirais qu’un psychologue n’est pas forcément présent uniquement quand on va mal ou qu’à un moment dans la maladie. Il arrive un temps où il faut que ça fasse sens. Comment ça fait sens dans son histoire ? Comment on tisse ce qu’on appelle en psychologie clinique le roman de la maladie ? Dans quoi ça s’inscrit ? C’est tout ce travail, tout cet espace finalement pour soi à soi, cette parenthèse que permet cet accompagnement. Voilà c’est pas juste, je suis au plus mal, je vais voir un petit peu mais vraiment je donne du sens aussi à ce que je vis et je l’inscris dans une expérience plus large en sachant également que tout au long du parcours, on peut avoir effectivement des choses qui vont un peu plus nous impacter que d’autres, des choses qui vont me faire un peu plus résonance. Donc on a aussi des personnes nous ici que l’on reçoit après les traitements. Ça s’est bien passé pendant les traitements et puis finalement, voilà comme tout s’arrête dans l’après coup, c’est là où ils vont sentir cette nécessité là. J’inviterai les patients à venir juste pour ouvrir un peu cette page ensemble de ce qui s’écrit de cette maladie. De comment ça fait fraction dans leur vie de façon plus large.

 

Et à titre personnel, qu’est-ce qui vous motive à accompagner justement des patients atteints de cancer ?

 

Anne : Ce qui est motivant c’est de pouvoir les aider, les guider, les conseiller, essayer de donner les clés finalement pour répondre à la fois à des besoins que provoque la maladie et puis après à des besoins aussi personnels et de plaisir quoi au moins dans l’alimentation en tout cas pour moi.

Céline : Alors je dirais que ce qui donne du sens à ce que je fais, c’est pouvoir être un petit peu honoré. Parce que c’est toujours un honneur que quelqu’un vienne nous faire confiance et déposer avec sincérité, ce qu’il vit dans cette période du cancer qui est un parcours quand même avec ses spécificités propres. Après certainement qu’il y a d’autres motivations peut-être plus plus personnelles mais voilà quand même un intérêt fort à être dans ce domaine là mais aussi ne pas enfermer le patient dans une case de patient cancéreux et lui permettre justement à la fois d’être un refuge, un peu un cocon mais aussi un espace d’ouverture pour ne pas l’enfermer dans cette traversée.

 

Le Dimanche 7 avril 2024, c’est la Journée Mondiale de la Santé. C’est pour ça que nous voulions mettre en avant les soins de support « santé » du Comité. Est-ce que vous auriez un message à faire passer à une personne lambda ?

 

Céline : Je pense qu’à tout moment pour tout parcours, il y a un professionnel de santé qui peut vous accompagner, vous recevoir. C’est important de savoir, de connaître qui fait quoi, quel professionnel de santé a quelle spécificité et peut-être prendre ce temps-là de cette journée mondiale de la santé pour faire un peu aussi un point sur la façon dont on prend soin de soi et donc effectivement mettre au cœur de sa vie et en priorité sa santé. Et puis je pense aussi, désolée c’est un peu patriotique, mais de se dire que oui que malgré toutes ses failles, malgré tout ce qu’on dénonce aujourd’hui on a quand même un système de santé qui nous permet à chacun de façon non discriminatoire, de prendre soin de soi, d’anticiper les choses, de mettre la santé au cœur de nos de nos vies.

Anne : Alors moi je dirais que avant de se soigner, il faut éviter de tomber malade. Je pense qu’il ne faut pas perdre de vue qu’au moins 40% des cancers sont liés à des facteurs de risque évitables donc avant d’aller consulter les médecins et les professionnels de santé, l’idée c’est de pas tomber malade donc le tabac, l’alcool, l’obésité, le surpoids, le soleil, pour ne citer que ces facteurs de risque là, augmente considérablement les risques et du coup pour prendre soin de sa santé, il faut faire de la prévention sur sa santé, prendre soin de soi avant de tomber malade.

 

Pour en savoir plus sur nos différents soins de support : https://liguecancer31.fr/accompagner-pour-aider/soins-de-support/